Comme au Népal et à Madagascar, maintenant le Maroc : la Génération Z secoue le pouvoir



2025-10-04 21:10:00

Au Maroc, un mouvement inédit de contestation porté par la jeunesse, baptisé « GenZ 212 », bouscule le gouvernement dirigé par Aziz Akhannouch. Comme au Népal ou à Madagascar, où les mobilisations populaires ont récemment provoqué des secousses politiques majeures, la nouvelle génération marocaine place désormais la barre très haut : elle réclame ni plus ni moins la démission du Premier ministre.



Tout est parti d’un événement tragique : la mort de huit femmes en couches dans un hôpital public d’Agadir, faute de prise en charge adéquate. Ce drame est devenu le catalyseur d’une colère longtemps contenue face à la défaillance des services publics, en particulier dans la santé et l’éducation.

Très vite, des jeunes se sont organisés sur Discord et TikTok, lançant des appels à manifester dans plusieurs villes. Le mouvement, rapidement baptisé GenZ 212, s’est présenté comme apolitique, sans leader identifié, mais avec une revendication claire : mettre fin à un système jugé inefficace et corrompu.

La contestation a pris de l’ampleur : des manifestations quotidiennes secouent le pays depuis fin septembre, touchant une douzaine de villes. Les slogans visent directement le gouvernement Akhannouch, accusé de déconnexion avec la réalité sociale, et dénoncent la corruption, le chômage, le coût de la vie et les inégalités persistantes.

Le mouvement a publié une série de revendications : démission du Premier ministre et de son gouvernement, libération des manifestants arrêtés, poursuites judiciaires contre les corrompus, réforme profonde des secteurs sociaux, égalité et liberté d’expression garanties.

Particularité notable : la mobilisation est portée par des mineurs et jeunes adultes, 70 % des participants selon certains observateurs, qui échappent aux logiques partisanes traditionnelles.


Face à cette vague de contestation, l’exécutif a d’abord tardé à réagir avant de multiplier les signaux d’ouverture. Le Premier ministre Aziz Akhannouch a exprimé sa volonté de dialogue, mais dans un cadre institutionnel fixé par le gouvernement. Des annonces de réformes dans la santé et l’éducation ont suivi, ainsi que des sanctions administratives contre certains responsables hospitaliers.

Dans le même temps, les forces de l’ordre ont été largement mobilisées : des heurts ont fait plusieurs blessés et des centaines d’arrestations ont été signalées. Cette stratégie du double langage, répression sur le terrain et ouverture rhétorique, illustre la difficulté de l’État à contenir une colère générationnelle.

La force du mouvement réside dans son caractère inédit : horizontal, numérique, difficile à infiltrer et légitime aux yeux d’une partie de l’opinion publique. Les réseaux sociaux démultiplient son écho, donnant une visibilité internationale à la contestation.

Mais la faiblesse de GenZ 212 est aussi son absence de leadership clair. Sans représentants, il est difficile de négocier ou de transformer la mobilisation en mouvement politique durable. De plus, pour faire tomber un gouvernement, il faudrait élargir le front au-delà de la jeunesse urbaine, en y associant syndicats, classes moyennes et acteurs économiques.

Enfin, dans le système marocain, la monarchie reste l’arbitre suprême. Le roi Mohammed VI, encore largement légitime, a été directement interpellé par une lettre ouverte du collectif demandant la dissolution du gouvernement. Reste à savoir s’il arbitrera en faveur d’un compromis, d’une réforme en profondeur ou du maintien du statu quo.

Pour l’instant, la chute du gouvernement Akhannouch n’est pas acquise. Mais la GenZ 212 a déjà gagné une bataille symbolique : celle de rendre visible la colère sociale et d’imposer l’urgence d’un débat sur l’avenir du modèle marocain.

Après le Népal et Madagascar, le Maroc entre à son tour dans une séquence où la jeunesse, armée des réseaux sociaux et d’une volonté de rupture, impose un nouvel agenda politique. Qu’il survive ou non à cette vague, le gouvernement Akhannouch sort fragilisé.

La GenZ 212, elle, a ouvert une brèche : celle d’une nouvelle manière de faire de la politique, hors des canaux traditionnels, et qui pourrait bien redéfinir les équilibres de pouvoir au Maroc dans les années à venir.