Fin d’une ère militaire : les troupes françaises quittent le Sénégal, sans que Dakar ne rompe avec Paris

2025-07-18 16:17:00
Jeudi 17 juillet 2025, Dakar a été le théâtre d’une cérémonie aussi solennelle qu’emblématique : la restitution officielle des dernières installations militaires françaises au Sénégal. Cet événement historique scelle la fin de la présence militaire permanente de la France en Afrique de l’Ouest et centrale. Une rupture symbolique, mais surtout politique, qui interroge sur l’héritage d’une présence postcoloniale longtemps contestée.
La base militaire française de Ouakam, à Dakar, a fermé ses portes. Le dernier drapeau français y a été abaissé dans la matinée du 17 juillet, mettant fin à plus de soixante-cinq ans de présence militaire continue au Sénégal. La cérémonie de restitution s’est déroulée dans une atmosphère solennelle, en présence des autorités sénégalaises, de représentants de l’ambassade de France et de responsables militaires des deux pays.
Ce retrait acte la disparition complète des forces françaises stationnées de manière permanente dans la région, après les départs successifs du Mali (2022), du Burkina Faso, du Niger, du Tchad, et plus récemment du Gabon, où la base de Libreville a été rétrogradée en “camp partagé” à vocation essentiellement formatrice.
Au-delà du cérémonial, c’est toute une architecture de la présence française en Afrique qui s’effondre. Héritée des indépendances, justifiée durant des décennies par des accords de défense, la présence militaire tricolore en Afrique subsaharienne a longtemps été présentée comme un pilier de sécurité régionale, mais aussi – plus implicitement – comme un instrument d’influence stratégique.
Pourtant, ces dernières années, elle est devenue de plus en plus contestée, perçue comme le vestige d’un paternalisme postcolonial mal assumé. Une présence jugée encombrante par des opinions publiques africaines de plus en plus critiques, dénonçant l’inefficacité sécuritaire, la tutelle implicite, voire une atteinte à la souveraineté.
Officiellement, Paris présente cette série de retraits comme une réorganisation stratégique, privilégiant des partenariats plus “égalitaires”, plus souples, axés sur la formation, l’appui technique, et non plus sur le stationnement de troupes.
Mais la réalité est moins flatteuse. Au Mali, au Burkina Faso et au Niger, les militaires français ont été poussés dehors par des régimes de transition ou de rupture, surfant sur un rejet populaire de la France devenu massif. Le Sénégal, pays historiquement francophile, aura été le dernier bastion, mais il s’aligne désormais, lui aussi, sur une demande de redéfinition des rapports bilatéraux.
Ce départ soulève aussi de profondes interrogations sécuritaires. La région reste sous la menace de groupes armés terroristes, et les capacités de riposte nationales ou régionales sont encore inégales. Qui prendra le relais ? Des puissances émergentes comme la Russie ou la Chine ? Des partenariats Sud-Sud renforcés ? Ou un repli sur soi dangereux ? La France, de son côté, affirme vouloir rester un partenaire de défense “disponible à la demande”, mais plus intrusif. Elle évoque une présence mobile et réactive, sans implantation fixe. Une stratégie qui reste à éprouver sur le terrain, et qui pourrait bien laisser place à une période d’incertitude géostratégique.
La restitution des installations militaires françaises au Sénégal n’est pas qu’un geste logistique : c’est la fin d’un cycle historique. Pour la France, c’est une perte de levier dans une région qu’elle considérait comme son pré carré stratégique. Pour les pays africains concernés, c’est une affirmation de souveraineté, mais aussi une prise de risque dans un environnement régional instable. Le défi sera désormais de bâtir de nouveaux partenariats de sécurité, plus équilibrés, plus transparents, et surtout plus efficaces. Car la sortie de l’histoire ne doit pas être une sortie de responsabilité.