Charbonnages : le spectre du marché à ciel ouvert refait surface malgré les opérations de déguerpissement



2025-07-23 13:56:00

Quelques semaines seulement après une vaste opération de libération de l’espace public, le site du carrefour des Charbonnages à Libreville replonge dans le désordre. Là où la municipalité croyait avoir repris la main, les vendeurs ambulants signent un retour progressif mais déterminé, transformant de nouveau les trottoirs en un marché à ciel ouvert chaotique.



Friperies, sacs à main, chaussures et autres articles de seconde main jonchent désormais les abords de la route, exposés au soleil, à la poussière, et aux regards pressés des passants. La circulation devient difficile, les piétons zigzaguent entre les étals improvisés, et le sentiment d’anarchie reprend ses droits. Une situation qui trahit les limites d’une opération de déguerpissement non suivie d’une stratégie d’aménagement durable.

« Après la casse, nous avons été délogés et les clients ne savaient plus où nous trouver. Ici, c’est le seul endroit où nous pouvons encore travailler sans nous faire oublier. Mais on se cache dès que les agents de la mairie arrivent », confesse Orphée G., étudiant et démarcheur, qui tire ses revenus du transport de matériel au quotidien. Comme lui, de nombreux jeunes et mères de famille bravent la menace de nouvelles expulsions pour continuer à "gagner la journée".

Ce retour en force des commerçants illustre un mal profond : l'absence de solutions alternatives concrètes et viables pour l’économie informelle, qui représente pourtant une part importante du tissu socio-économique urbain. Sans marché de substitution, sans accompagnement structurant, sans dialogue durable, les opérations de "nettoyage" deviennent de simples interruptions temporaires. Pire, elles nourrissent un ressentiment croissant vis-à-vis des autorités, accusées de déguerpir sans reconstruire.

Aujourd’hui, c’est un bras de fer silencieux qui se joue entre les pouvoirs publics et les petits vendeurs. Ces derniers n’ont pas l’intention de céder, tant qu’aucun projet tangible ne redessine l’usage du site. La municipalité, quant à elle, est sommée d’agir avec constance et intelligence pour éviter que l’espace public ne soit à nouveau capturé par le désordre.

L’enjeu dépasse Charbonnages. Il est question ici de gouvernance urbaine, de justice sociale, mais surtout de l’urgence d’un plan structurant d’organisation du commerce de rue, adapté aux réalités du Gabon d’aujourd’hui. Car un déguerpissement sans alternative, c’est une bombe sociale à retardement.