Faible natalité et mortalité infantile au Gabon : quand le poids repose sur les femmes sans véritable accompagnement

2025-10-02 09:44:00
Au Gabon, le débat sur la démographie prend de plus en plus de place. Face à un taux de natalité relativement faible et à une mortalité infantile encore préoccupante, la société et certains leaders d’opinion en appellent aux femmes : il faudrait “donner naissance” davantage pour soutenir la croissance de la population nationale.
Pourtant, cette injonction pose de nombreuses questions, car elle occulte les réalités profondes liées aux conditions de vie, à la pauvreté et aux insuffisances du système de santé.
Selon les dernières estimations démographiques, le Gabon fait face à un paradoxe. D’un côté, le nombre de naissances reste limité, et de l’autre, de nombreux enfants meurent avant d’atteindre l’âge de cinq ans. Ce constat pèse lourdement sur la dynamique démographique du pays. Dans une société où la jeunesse constitue pourtant un atout majeur pour le développement, le faible renouvellement de la population interroge. Mais réduire le problème à un simple appel aux femmes à “accoucher plus” ne suffit pas.
Placer le poids de la croissance démographique uniquement sur les épaules des femmes revient à ignorer le contexte socio-économique et sanitaire. Beaucoup de familles hésitent à agrandir leur foyer faute de moyens financiers, d’accès aux soins de qualité et de perspectives claires pour l’avenir de leurs enfants. Les réalités quotidiennes parlent d’elles-mêmes : coût élevé de la vie, chômage endémique, difficulté d’accès à un logement décent, sans oublier la charge éducative souvent assumée par les mères.
Le Gabon accuse un retard significatif en matière de politique de santé publique adaptée aux besoins de proximité. Dans de nombreuses régions, les femmes doivent parcourir des kilomètres pour trouver une maternité ou un centre de santé équipé. Le manque criant de matériel médical, l’insuffisance de personnel qualifié, la vétusté des infrastructures hospitalières et le déficit de suivi prénatal fragilisent non seulement les mères mais aussi les nouveau-nés.
La pauvreté vient accentuer cette situation : accoucher dans de bonnes conditions reste un privilège et non un droit garanti pour toutes.
Si la volonté est réellement d’encourager la natalité et de réduire la mortalité infantile, l’État doit aller au-delà du simple discours. Cela passe par un investissement massif dans la santé maternelle et infantile; la mise en place d’aides sociales et financières pour accompagner les familles dans l’éducation et la prise en charge des enfants; une politique sanitaire de proximité, en particulier dans les zones rurales; une sensibilisation équilibrée, qui valorise la santé et le bien-être de la mère autant que la croissance démographique.
Le Gabon ne pourra relever le défi de son faible taux de natalité et de sa forte mortalité infantile qu’à travers une vision globale, où la responsabilité ne repose pas uniquement sur les femmes mais sur l’ensemble de la société, avec un État pleinement engagé.
Accoucher davantage ne peut pas être un objectif isolé : il doit être accompagné de mesures concrètes garantissant aux mères et aux enfants des conditions de vie dignes et sécurisées.
Mais le débat autour de la natalité au Gabon ne peut se limiter à la responsabilisation des femmes. Dans une récente vidéo devenue virale, Wensceslas Yaba, Coordonateur Général du SAMU Social, a rappelé un fait troublant : « la stérilité masculine la plus élevée au monde, c’est au Gabon, et nous rendons aussi les femmes stériles ».
Cette déclaration, loin d’être anecdotique, met en lumière un autre angle trop souvent passé sous silence. Alors que la société pointe du doigt les femmes et les exhorte à accoucher davantage, la question de la santé reproductive des hommes reste largement ignorée. Cette problématique mérite un débat national à part entière, afin de comprendre ses causes, d’évaluer son impact sur la démographie et d’envisager des solutions médicales et sociales adaptées.