Mariage coutumier au Gabon : un vide juridique persistant qui interroge

2025-07-30 16:41:00
Alors que la saison sèche bat son plein et avec elle une recrudescence des cérémonies traditionnelles, une question refait surface dans le débat public gabonais : le mariage coutumier a-t-il enfin acquis une reconnaissance légale pleine et entière dans notre pays ? Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes dénoncent l’oubli progressif de ce sujet pourtant fondamental dans une société où les traditions jouent un rôle structurant dans les rapports sociaux.
Le cas du Burkina Faso est souvent cité en exemple. En 2023, les autorités de ce pays ont franchi une étape décisive en intégrant le mariage coutumier dans les registres d’état civil, officialisant ainsi ces unions traditionnelles au même titre que les mariages civils ou religieux. Un geste fort, à la fois symbolique et juridique, qui marque une reconnaissance claire de cette pratique ancestrale dans le droit positif.
Le Gabon, pourtant, n’était pas en reste. Le 21 décembre 2020, sous le régime précédent, l’Assemblée nationale adoptait une proposition de loi portant reconnaissance légale et fixant le régime juridique du mariage coutumier, lors d'une plénière présidée par Faustin Boukoubi. Cette proposition venait compléter un processus amorcé en 2019 par le Sénat, qui avait déjà donné son aval au texte. Deux chambres, un accord, une avancée : sur le papier, le mariage coutumier semblait en bonne voie de reconnaissance juridique.
Mais près de quatre ans plus tard, le constat est amer : aucun officier d’état civil ne participe à ces mariages pour en délivrer un acte officiel, et les mairies ne les enregistrent pas. Le processus semble s’être arrêté net, soulevant des interrogations sur son aboutissement, notamment en ce qui concerne l'intégration de cette reconnaissance dans le Code civil gabonais. « Je m’interroge encore sur la légalisation de ce mariage en République gabonaise. Je sais que son Excellence Brice Clotaire Oligui Nguema, qui est attaché aux valeurs traditionnelles, saura donner de la valeur à cette union ancestrale », a réagi l’internaute Ghislain Rodrigue Ikapi Nziengui, reflétant l’opinion de nombreux citoyens.
Le texte adopté en 2020 avait pourtant le mérite d’établir un cadre juridique précis. Il stipule notamment que le mariage coutumier concerne uniquement les unions entre deux personnes de sexes différents, et uniquement lorsque la femme est gabonaise. Autre disposition marquante : la limitation du montant de la dot, fixée à un plafond de 1,5 million de francs CFA, dans le but d'éviter les dérives spéculatives. Toutefois, le texte autorise la famille du futur époux à dépasser ce seuil si elle le souhaite, à condition que cela ne soit pas imposé.
Il est important de rappeler que la grande majorité des unions au Gabon sont coutumières, en particulier en zones rurales et périurbaines. Leur non-reconnaissance légale prive des milliers de familles de droits fondamentaux : héritage, sécurité sociale, régularisation d’enfants, accès aux protections en cas de séparation ou de décès, etc.
En ce sens, la réactivation de ce chantier juridique pourrait s’inscrire pleinement dans la dynamique de refondation institutionnelle prônée par les autorités de la Transition. Promouvoir les valeurs traditionnelles, tout en leur offrant un ancrage juridique moderne, serait une avancée symbolique mais aussi concrète vers une société plus inclusive et respectueuse de ses réalités sociales.
Le mariage coutumier mérite donc mieux qu’un simple débat ponctuel sur les réseaux sociaux. Il appelle une volonté politique affirmée et une réforme claire, pour donner à cette union séculaire la reconnaissance qu’elle mérite dans la République nouvelle.